Mali : des ex-employés de la MINUSMA entre doute et inquiétude

Alors que le processus de son retrait se poursuit, l’inquiétude enfle autour de l’après-mission onusienne au Mali.

Le départ de la MINUSMA a été acté, le 30 juin 2023 par le conseil de sécurité de l’ONU, consacrant ainsi le combat des mouvements hostiles à sa présence. Son processus de retrait, qui doit être effectif d’ici fin décembre prochain, se poursuit avec la cessation de ses opérations, le transfert de ses tâches, la réduction de son personnel et surtout la cession des camps à l’armée malienne.

Déployée en 2013 pour le maintien de la paix, elle est désormais perçue comme une « force inutile, sans résultat » voire « une force au service de l’occident pour déstabiliser le Mali », termes souvent utilisés par Adama Ben Diarra alias Ben le Cerveau, leader du Mouvement Yèlèwolo Débout sur les Remparts. Son mouvement a tenu depuis 2020 des manifestations anti-MINUSMA.

« La MINUSMA était une force inutile. Elle n’a jamais aidé l’armée malienne à repousser une attaque terroriste. Elle n’a même jamais pu empêcher les massacres contre des populations civiles qu’elle prétend défendre », témoigne Souleymane Coulibaly, un habitant de Mopti.

Sa relation avec le gouvernement s’était détériorée. Bamako a rejeté ses récents rapports, dénonçant « une instrumentalisation de la question des droits de l’homme ». La dernière illustration est le cas de Moura où l’armée a « neutralisé » plus de 200 terroristes alors que la mission évoque des « exactions contre des populations civiles ».

Le Mali, qui demandait très souvent un mandat plus robuste, a par finish demandé le 16 juin dernier, à travers Abdoulaye Diop, son ministre des Affaires, le retrait de la mission, parlant d’un bilan en deçà des attentes.

Le sociologue et expert en sécurité, Dr Ali Tounkara estime qu’elle a fait des exploits dans beaucoup de domaines sans parvenir à combler les attentes des Maliens. « Nous saluons la décision du gouvernement malien qui a écouté le cri de cœur des Maliens. On avait marre de cette force. Pour nous, elle devait partir il y a longtemps », scande à Bamako, Moussa Diakité.

L’après-Minusma

Si certains critiquent son bilan objectivement, d’autres le font sa vraiment connaître le contenu de son mandat. Elle intervient en plus de la sécurité dans les domaines de développement ; de la lutte contre le chômage et la radicalisation ainsi que dans la construction des infrastructures. « La mission de la MINUSMA ne se limite pas à la seule sécurité. Je suis pour qu’on revoie son mandat. Mais je pense que ceux qui réclament son départ ne sont pas au courant de tous ses efforts dans d’autres secteurs », déplore Moussa Touré, résidant à Gao.

La mission onusienne a réhabilité plusieurs « infrastructures majeures dont les aéroports de Gao et de Kidal, des ponts y compris ceux de Songho et de Yawakanda dans le centre du Mali ». « Ces ponts avaient été endommagés par des groupes terroristes. Leur construction a  facilité la reprise du trafic commercial entre les localités de Mopti et de Bandiagara le long de la route dite du poisson qui connecte également le Mali aux pays voisins, notamment le Burkina Faso, le Ghana, le Togo et le Benin », a déclaré, une fois, à CGTN, le chef de la Minusma.

Son départ du Mali constitue, selon certains, une menace pour la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, signé en mai-juin 2015. La cession du Camp de Ber (région de Tombouctou) a, par ailleurs, ravivé, en août dernier, les tensions entre l’État et l’ex-rébellion kidaloise. Selon Mohamed El Maouloud Ramadane, porte-parole des ex-rebelles rappelle, son départ jouera contre le processus de paix.

Le gouvernement, de son côté, rassure que son retrait n’impactera en rien le processus de paix, notamment la mise en œuvre intelligente de l’Accord d’Alger. Le 29 août dernier, le ministre en charge de l’Accord a invité des groupes signataires à revenir sur la table des négociations.

Un avenir incertain pour les ex-employés

Malgré l’appel de l’Agence Nationale de la Promotion de l’Emploi (ANPE), des anciens travailleurs de la mission sont sceptiques quant à la possibilité pour l’État de leur trouver un débouché. Mohamed Traoré, âgé de 45 ans, marié et père de cinq ans enfants, agent de la MINUSMA à Bamako -il a préféré taire son poste- voit plutôt son avenir compromis. « Je soutiens moi-même le combat souverainiste de nos autorités mais la demande de retrait de la MINUSMA a été trop rapide« , déplore ce Malien, qui s’apprête à quitter son poste dans quelques semaines.

Mme Dédéou, travailleuse, est plutôt inquiète. « L’annonce du retrait de la MINUSMA du Mali a suscité une forte inquiétude au sein de la population du Nord, particulièrement celle de Tombouctou. En ce qui me concerne, je me plains de cette décision car mes camarades et moi seront, si ce n’est déjà fait pour certains, en chômage au plus tard fin octobre« , affirme-t-elle, en demandant à l’État de « redoubler d’efforts pour combler le vide« .

Oumar Maïga, désormais ex-cuisinier de la mission à Tombouctou est déjà en chômage. « Suite à l’annonce du départ définitif de la MINUSMA du Mali, je suis malheureusement en chômage », dit-il d’une voix basse et désolante. Il ajoute : « depuis le 1er juillet dernier, je cherche à me reconstruire mais le marché du travail devient de plus en plus difficile au Mali. Comme moi, plusieurs autres pères de famille ont également perdu leur travail dès le lendemain de l’annonce. Certains y sont encore mais ne tarderont pas à aller en chômage dans seulement quelques jours ».

Ahmed Touré, ancien agent de sécurité à Gao indique que la « décision du gouvernement malien détruira beaucoup de familles ». Face à leur sort, le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga a annoncé, le 3 août dernier, a l’Association du Staff Local de la MINUSMA (ASLOM) qu’« une Commission est déjà à pied-d ’œuvre pour analyser la situation et apporter les solutions d’atténuation possibles, sans délai« .

B. Guindo

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici