Le gouvernement de la Transition a enclenché le processus de relecture de la charte des partis politiques dans un contexte de précarité pour les formations politiques. Lesquelles sont contraintes à l’autofinancement et à la renonciation à l’aide publique.
Le processus de révision de la Charte régissant la classe politique avance depuis 2018. L’un des enjeux majeurs demeure les questions du nombre et du financement des partis politiques. Ces deux points sont des recommandations issues des Assises Nationales de la Refondation (ANR), tenues en 2021.
Selon plusieurs responsables, interrogés, les partis politiques n’ont pas reçu le financement public. Un constat confirmé par la Section des Comptes de la Cour suprême, chargée de vérifier annuellement les comptes des partis politiques. «Après le financement public au titre de l’exercice 2018, les partis politiques n’ont plus bénéficié de subvention dans le cadre du financement public des partis politiques, prévu à l’article 29 de la loi n°05-047 du 18 août 2005 portant charte des partis politiques», relate la section des Comptes de la Cour suprême dans son dernier rapport annuel de vérification pour l’exercice 2023, rendu public en janvier 2025.
En 2018, dernière année d’octroi de l’aide publique, 66 partis politiques ont bénéficié en deux tranches (2019 et 2020) 3,357 milliards FCFA sur un total de 3,374 milliards de FCFA sur l’exercice 2018. L’écart des 17,270 millions de FCFA représentant la part des partis politiques n’ayant pas déposé leurs comptes en 2019 et 2020.
«L’arrêt brutal du financement public a eu des répercussions sur la vie politique. Les partis politiques sont désormais condamnés à l’autofinancement», résume un leader d’un parti politique de premier plan.
Le PMTR, le parti le plus riche
Selon nos informations, les budgets annuels des partis politiques ont chuté en témoigne le cas de l’ADEMA-PASJ dont les ressources financières sont passées de 428,241 millions FCFA y compris 203,550 millions de subvention publique en 2020 à 50,632 millions FCFA en 2023. Au niveau du RPM, ex-parti présidentiel, c’est la chute libre avec 955,083 millions FCFA (532,222 millions FCFA d’aide publique) en 2020 à 165,156 millions FCFA en 2023.
Selon le rapport annuel de vérification de la Cour des comptes, seuls deux partis politiques sur les 59 ayant déposé leurs comptes pour 2023 ont des ressources supérieures à 100 millions FCFA. Il s’agit du Rassemblement Pour le Mali (RPM) avec 165 millions FCFA et Parti Malien du Travail et de Refondation (PMTR) avec 174 millions FCFA. Ce dernier parti a été lancé en janvier 2023 par Baba Moulaye Haïdara, ancien ministre et cadre du RPM devenu soutien à la Transition.

La Cour suprême fait une autre révélation édifiante de la réduction des ressources des partis politiques. À la date du 31 décembre 2023, les dépenses totales de 52 partis politiques se chiffrent à 680.490 847 FCFA contre 3,616 milliards FCFA en 2020 pour 80 partis politiques avec le RPM ayant dépensé à lui seul avec plus de 954 millions FCFA en 2020.
D’où viennent les fonds des partis politiques
En absence de l’aide publique, d’où tirent les partis politiques leurs financements ? La perte de l’aide publique sans l’abrogation de la Charte en vigueur contraint les formations politiques à s’auto-financer. Leurs sources de financement ne sont pas totalement établies car se résumant aux «cotisations des membres, contributions volontaires et souscriptions communes de membres» pour le parti ADEMA-PASJ, selon le rapport annuel de vérification, rendu public le 3 janvier 2025 et consulté par «NouvelleAfrique».
Le même document précise que les 170 millions FCFA du PMTR non certifiés par la Cour sont «constitués uniquement de cotisations des membres». Cela, alors que le parti n’a pas communiqué l’attestation de domiciliation bancaire et le relevé bancaire.
Au parti RPM, les financements proviennent essentiellement «des contributions volontaires et souscriptions communes des membres» soit 156 165 000 FCFA des 165 156 907 FCFA en 2022. Le restant étant partagé entre les cotisations des membres (4,515 millions) et des placements de cartes (3,450 millions FCFA).
Où va l’argent des partis politiques?
Ces fonds, difficilement mobilisables dans un contexte de précarité, de crise économique et de transition politique, sont pour la plupart investis dans l’achat des fournitures de bureau, du carburant, des frais d’eau et d’électricité, de l’organisation des conférences, du loyer et des indemnités du personnel du siège. D’autres dépenses se rapportent aux frais de transport, des abonnements télé, des frais de mission, des parrainages, de la campagne pour le référendum de 2023.
En 2023, le Mali comptait 291 partis politiques, un nombre porté à 399 selon des estimations. Le processus de révision de la Charte des partis politiques en vigueur depuis 2005 aboutir a-t-il à la suppression de la subvention publique?
Sékou Niamé Bathily aperçoit la suppression comme «un recul de la démocratie». La mesure, précise-til, exposerait aux partis politiques des financements occultes.
Aboubacar Sidick Fomba, leader politique et soutien à la Transition, insiste sur l’impératif de respecter les recommandations des Assises Nationales de la Transition en la matière. Lesquelles ont demandé la réduction du nombre et du financement des partis politiques.
Ahmadou Touré, Enseignant chercheur en Sciences politiques estime les enjeux majeurs de cette relecture sont, entre autres, réduire et circonscrire les partis politiques. Il est favorable à la suppression de l’aide publique et voit « une opportunité pour les partis politiques d’être autonomes, d’être plus pro-actifs et dynamiques». Selon lui, avec cette mesure, il y aura moins de formations politiques, résolvant du coup la problématique liée au pléthore des partis politiques.
MC/NouvelleAfrique
