63 ans, 4 Républiques, 5 coups d’État, le socialisme, le parti unique, le mouvement démocratique, le multipartisme, des rébellions, le terrorisme, la refondation, la reconquête de la souveraineté perdue… La République du Mali a connu une histoire complexe et riche.
Le 22 septembre 1960, Modibo Keïta a proclamé l’indépendance de la République du Mali après la dissolution de la fédération du Mali, qui réunissait le Soudan français et le Sénégal.
Après avoir rompu avec le Sénégal, Modibo Keïta se détourna de la France qu’il considère comme le malheur de la fédération du Mali. En témoigne la création de l’Armée malienne le 20 janvier 1961 et la demande de départ de toutes les bases françaises du pays. De plus, le 1er juillet 1962, il abandonne la zone franc CFA, qui était sous l’influence française, en créant le franc malien.
La République socialiste
Modibo Keïta opte pour le socialisme, prônant le rapprochement avec le bloc soviétique, tout en ne négligeant pas l’ouverture aux États-Unis, comme l’explique Manon Touron dans son livre « Le Mali, 1960-1968 ». Durant ses huit ans de règne, le père de la nation malienne accomplit de nombreuses réalisations, notamment la création de la Société Malienne d’Import-Export (Somiex), de l’Office des Produits Alimentaires du Mali (Opam), et Air Mali.
Moussa Traoré, 23 ans de dictature
Le 19 novembre 1968, un groupe de jeunes militaires, regroupé au sein du Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN) et dirigé par le lieutenant Moussa Traoré, renverse Modibo Keïta. À la différence de son précédent, Moussa Traoré ne suivit pas la voie du socialisme. Il renoue avec la France, privatise les entreprises publiques jugées trop coûteuses pour le jeune État malien et abandonne le franc malien au profit du franc CFA en 1984. « Si Moussa n’avait pas opté pour le franc CFA après avoir pris le pouvoir, nous ne serions pas dans cette situation actuelle. Nous n’aurions pas senti les récentes sanctions de la CEDEAO », affirme Bakary Diarra, âgé de plus 80 ans.
Moussa Traoré organise un référendum constitutionnel dans les années 1970 et le Mali passe à la 2ème République en juin 1974, instituant l’élection d’un nouveau président tous les cinq ans et une Assemblée Nationale. Cela a suscité l’espoir chez de nombreux hommes politiques. Cependant, en 1976, il annonce la création du parti unique, l’Union Démocratique du Peuple Maliens (UDPM), marquant le début de la dictature.
Les années 1980 ont été difficiles pour le dictateur. De nombreuses associations d’élèves, d’étudiants et d’associations politiques se sont formées pour défendre les libertés individuelles et promouvoir le multipartisme face à son régime. En mars 1991, les manifestations organisées par le mouvement démocratique ont abouti à un coup d’État contre le défunt président Moussa Traoré, qui fut jugé pour » crimes de sang » et condamné à mort puis gracié plus tard.
L’ère de la démocratie
Le coup d’État de 1991 place Amadou Toumani Touré à la tête du pays pour la Transition. Il instaure la démocratie et le multipartisme en passant à la 3ème République, organisant ainsi la première élection présidentielle démocratique du Mali, remportée par Alpha Oumar Konaré, candidat de l’Adema PASJ.
Mais la démocratie tant attendue, célébrée et louée, a-t-elle apporté le bonheur aux Maliens ? A-t-elle amélioré leur vie quotidienne ? Les conditions de travail des fonctionnaires ont-elles changé ? A-t-elle réussi à corriger les failles des régimes précédents ? La sécurité, l’éducation, la justice, l’État de droit, l’économie… sont-ils assurés sous le régime démocratique ? Ce sont les questions qui se posent aux Maliens.
Certains faits indiquent que la démocratie malienne est en difficulté, voire en crise. Elle présente une blessure béante qui s’aggrave jour après jour, tant le mal est profond, comme en témoigne les coups d’État à répétition ( 5 au total).
Sous la présidence d’Amadou Toumani Touré, l’Armée a été politisée, le recrutement s’est banalisé et l’insécurité s’est installée dans tout le pays. Malgré plusieurs réalisations en termes d’infrastructures et de réformes, l’impunité était monnaie courante sous son régime. La justice laissait à désirer, la corruption s’accentuait et l’éducation était négligée.
En 2012, « le soldat de la démocratie » a été renversé par un coup d’État militaire mené par le capitaine Amadou Haya Sanogo. Ce dernier reprochait au président destitué son incapacité à gérer le conflit dans le nord du pays. Ce putsch a été suivi par l’invasion des trois régions du pays par des rebelles et leurs alliés terroristes.
En 2013, Ibrahim Boubacar Keïta est élu à l’issue de la Transition dirigée par Dioncounda Traoré. Après sept ans de gouvernance difficile, IBK été renversé par un coup d’État militaire, le 18 août 2020, après des mois de manifestations populaires organisées par le M5-RFP.
Bah N’Daw, investi président de la Transition en septembre 2020 a été, à son tour, « mis hors de ses prérogatives » en mai 2021. Sa destitution a ouvert la voie à l’investiture du Colonel Assimi Goïta, dont le gouvernement vient de doter le pays d’une nouvelle Constitution, consacrant la naissance de la quatrième République.
Boureima Guindo