Le célèbre et richissime cultivateur du coton, Bakary Togola, très proche du milieu politique sous le régime IBK, a été fixé, mardi 27 août 2024, sur son sort par la justice malienne après plus d’une semaine de procès à Bamako. Il écope de cinq ans de prison ferme assorti du paiement de 10 millions de FCFA et de la restitution de plus de 7 milliards de FCFA près de trois ans après son acquittement dans la même affaire.
À Bamako, la session spéciale de la Cour d’Assises consacrée aux crimes économiques et financiers, en cours le 1er juillet 2024, a rendu son arrêt dans cette affaire à rebondissements. Elle a condamné Bakary Togola, ex-président de la Confédération des Sociétés Coopératives des Producteurs de Coton au Mali (CS-CPCM) et quatre prévenus à cinq ans de prison ferme et au paiement de dix millions de FCFA chacun pour «abus de biens sociaux». Six autres coaccusés ont été acquittés.
En plus de cette sentence, Bakary Togola, surnommé également «Roi du coton» est condamné à reverser à lui seul à la Confédération plus de 7,749 milliards de FCFA. Par cette condamnation, l’ex-président de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) perd une bonne partie de sa fortune qui faisait de lui un magnat du coton au Mali.
Les faits
Son ennui judiciaire voire sa chute a débuté le 28 mai 2019. À cette date, un citoyen anonyme a saisi le Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de la Commune III du district de Bamako, chargé du Pôle économique et financier d’une lettre de dénonciation des malversations financières au sein de la Confédération qu’il a dirigé de 2013 à 2019.
Au cours des enquêtes, il a constaté, dans un premier temps, un gap de plus de 4,576 milliards FCFA sur le montant global de 13,431 milliards FCFA versé à la Confédération par la Compagnie Malienne de Développement de Textiles (CMDT), selon l’arrêt de mise en accusation et renvoi devant la Cour d’Assises, consulté par «NouvelleAfrique». Sur les 8,854 milliards de FCFA restants tracés, les investigations ont révélé un montant de 4,885 milliards de FCFA non justifiés. Ce qui fait un cumul d’un montant non justifié de plus de 9,462 milliards de FCFA au niveau de la Confédération, créée dans les années 2000, à la lumière dudit document daté du 6 juillet 2021.
Près de 8 milliards FCFA incriminés
En septembre 2019, un procès-verbal est transmis par le brigade économique et financier du Pôle au parquet. Le juge d’instruction spécialisé du 8ème cabinet du Tribunal de Grande instance de la Commune III est ensuite saisi suite à un réquisitoire introductif du Procureur de la République, Mamoudou Kassogué, actuellement ministre de la justice.
C’est à partir de là que Bakary Togola et deux autres personnes (Drissa Traoré et Soloba Mady Kéïta) ont été inculpés pour «crime d’atteinte aux biens publics». Sept autres ayant été inculpés pour complicité pour les mêmes faits.
Les conseils de Bakary Togola avaient introduit sans l’obtenir une demande d’annulation de la procédure. L’intéressé a souligné devant le magistrat instructeur en 2019 que la CMDT a plutôt mis à la disposition de la Confédération la somme de 7,749 milliards FCFA au lieu de 13 ,4 milliards FCFA, selon la même note.
Un feuilleton judiciaire
Le 29 novembre 2021, contre toute attente, ce sexagénaire, sans cursus scolaire classique, avait été acquitté dans cette affaire dite des «ristournes de la confédération des sociétés coopératives des producteurs de coton» par une Cour d’Assises spéciale. En décembre 2021, Mamoudou Kassogué, ministre de la Justice a réclamé l’ouverture d’une enquête suite à des «informations concernant le comportement de certains membres de la Cour et les connivences qui auraient entouré la gestion de cette procédure». C’est en avril 2022 que l’arrêt d’acquittement de celui devenu encore plus populaire après son expression «Aw yé dôni dô u dà» en français «mettez un peu (d’argent) dans leurs bouches» a été cassé par la Cour suprême.
Le 29 août 2023, l’affaire refait surface avec son placement en garde à vue avec ses coaccusés à la brigade du Pôle National et Financier. 72 heures plus tard (31 août de la même année) il a été transféré et incarcéré à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako (MCA).
Les débats au procès et la suite
Au cours de son procès, lui et ses coaccusés ont rejeté et nié les faits et dénoncé «un complot fabriqué contre eux» en pointant du doigt Dr Boubou Cissé, ex-Premier ministre, lui-même sous le coup d’un mandat d’arrêt international dans une affaire judiciaire. Leur défense a demandé la requalification de la nature de la plainte, précisant que «la notion de coopérative est incompatible avec l’atteinte aux biens publics».
Le Procureur Kokè Coulibaly a révélé, lundi 26 août dernier, documents à l’appui que Bakary Togola avait financé la campagne de l’ex-président, feu Ibrahim Boubacar Keïta et injecté 600 millions FCFA dans les activités d’un meeting électoral au Stade 26 Mars de Bamako. Le 8 juillet 2018, un meeting géant de lancement de campagne présidentielle avait été organisé audit Stade de 50 milles places par la Majorité présidentielle soutenant la candidature du président-candidat IBK, réélu à la tête du pays à l’issue d’un scrutin présidentiel contesté puis renversé en août 2020 par un coup d’État civilo-militaire.
Après le procès, Bakary Togola, qui avait par ailleurs réussi en 2020 à se faire élire député depuis sa cellule de prison, et les autres condamnés projettent d’attaquer l’arrêt rendu par la session spéciale de Cour d’Assises devant la Cour suprême pour un réexamen du dossier. Début d’un autre rebondissement dans cette affaire ? Le temps le dira.
MC/NouvelleAfrique