Après la reprise de Kidal, des voix s’élèvent pour réclamer la fin de l’Accord d’Alger. L’annonce de l’ouverture du dialogue direct inter-Maliens par le président de la Transition est perçue comme « un parachèvement de la caducité » dudit Accord et le M5-RFP du Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga exige désormais « sa dénonciation pure et simple ». Une éventuelle dénonciation qui donnera raison au parti FARE An Ka Wuli et son Président Modibo Sidibé.
Il y a neuf ans jour pour jour le parti des Forces Alternatives pour le Renouveau et l’Emergence (FARE- An Ka Wuli) dénonçait plusieurs dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation issu du processus d’Alger mettant en garde le gouvernement du défunt président Ibrahim Boubacar Keïta contre sa signature. Pour cause, le parti avait décelé «des pièges potentiellement déstabilisateurs pour notre Nation».
Le parti FARE An Ka Wuli, dirigé par l’ex-chef du gouvernement Modibo Sidibé, est l’une des rares formations politiques a exprimé son désaccord en 2014 au moment où le gouvernement du Mali et les groupes armés séparatistes s’apprêtaient à signer de l’Accord d’Alger. Aujourd’hui la décision du Président de Transition, le Colonel Assimi Göita, soutenue par d’autres acteurs politiques, de constater «la caducité de l’Accord d’Alger» en ouvrant un processus de «dialogue direct inter-Maliens» semble conforter la position des FARE qui, à travers leur président, ont toujours proposées «des solutions endogènes» à la crise malienne.
Dans ce document de plusieurs pages, le parti avait regretté le fait que le gouvernement ait hâtivement annoncé aux Maliens que l’accord était favorable au Mali. Il avait, à cet effet, décelé «des pièges potentiellement déstabilisateurs pour notre Nation».
Sur les questions politiques et institutionnelles, le parti avait fait constater que l’Accord d’Alger propose «une république fédérale» aux Maliens sous le masque de «la régionalisation». En rappelant que la notion de «régions intégrées» est une volonté manifeste de confirmer par le droit positif malien la création d’une entité Azawad.
De même, le parti du Baobab avait prévenu sur la création d’un Sénat qui comprenant en son sein les «notabilités traditionnelles et religieuses» pourrait porter les germes d’une nouvelle source de déstabilisation de l’ensemble des régions du Mali. Toujours sur les instances législatives, ce parti avait largement rejeté les modalités de représentation des régions du Nord à l’Assemblée Nationale telles que proposées dans l’Accord. «Elle constitue une rupture de l’égalité des citoyens devant la loi, ce qui est contraire à la Constitution», avait dénoncé les FARE.
Par ailleurs, le parti avait également qualifié de rupture de l’égalité des citoyens devant la loi la disposition de l’accord qui engageait «le gouvernement à déconcentrer le recrutement dans la fonction publique territoriale, dont 50% des effectifs seront réservés aux ressortissants des régions du Nord».
Contrairement à cette régionalisation qui ne s’apparentera pas au régionalisme, le Parti FARE proposait un nouvel élan de la décentralisation qui rapprochera les citoyens de l’Administration et des ressources avec des attributions accrues aux régions et des contrats de programme entre l’Etat et les assemblées régionales. «L’unité nationale trouvera un nouveau souffle dans cette dynamique qui favorisera l’égalité de toutes les régions, soutenue par un schéma d’aménagement et de développement des territoires», proposait le parti dirigé par l’ex-Premier ministre Modibo Sidibé.
Il insistait sur la nécessité de redonner du sens processus actuel de décentralisation pour franchir de nouveaux paliers. Impliquant, poursuit le parti, un développement équilibré du territoire, un maillage infrastructurel inclusif des régions responsables du développement du potentiel économique régional.
«Ne pas sous-traiter la défense et la sécurité »
Sur le plan de la défense et de la sécurité, le parti FARE a toujours rejeté dans ce document signé en mai-juin 2015 le mécanisme opérationnel des anciens combattants avec comme base dans les régions du Nord et le processus de Désarmement Démobilisation Réintégration et Réinsertions. Il avait prédit que le processus tel que présenté dans le document s’apparente plus à une sorte de «prime à la rébellion» qui violerait tous les principes qui fondent notre République. «Cette mesure discriminatoire et injuste bouleverserait notre équilibre social et accentuerait l’insécurité au sein de nos forces de défense et de sécurité», avait-t- prévenu.
Par contre, dans ses propositions, le parti est toujours resté camper sur le redéploiement des forces de défense et de sécurité sur toute l’étendue du territoire national dès la signature de l’Accord de paix. Pour lui, c’était la seule meilleure sécurisation des populations contre les groupuscules terroristes et les trafiquants en tout genre. «Les missions de défense et de sécurité relèvent des forces armées et ne doivent en aucun cas faire l’objet de sous-traitance surtout dans les régions du Nord où la dimension des menaces nécessite des réponses appropriées conduites par des acteurs professionnels», peut-on lire dans ce document.
Contrairement à l’esprit du projet d’accord, les FARE avaient déclaré que les rébellions récurrentes et injustifiées continuent d’être les principales entraves au développement de la partie Nord du Mali. Il avait indiqué que de développement socioéconomique et culturel de ces régions doit s’inspirer d’une réflexion nationale pour la mise en place d’une stratégie et d’un programme afin d’accélérer le processus de redressement du tissu économique des zones ayant souffert de la crise.
S’agissant de la réconciliation, la justice et les réponses humanitaires, il avait noté que la cohésion s’appuie sur trois axes : développer la citoyenneté; assurer à chaque citoyen l’accès au savoir, aux soins de santé, à la création et à la distribution de la richesse nationale et assurer l’accès à l’emploi et à la protection sociale.
Pour ce faire, il proposait à l’État d’initier des actes de sensibilisation contre les préjugés liés à l’appartenance à telle ou telle communauté et pour la fraternité républicaine. «Les citoyens égaux et respectés au Nord comme au Sud devront contribuer à l’ordre républicain», soulignaient les FARE, en plaidant pour l’adoption «d’une charte de la cohésion sociale» pour soutenir cette approche.
Contrairement à la loi d’amnistie qui a exempté certains auteurs des crimes de sang des poursuites judiciaires, le parti s’était inscrit dans la dynamique de la bonne distribution de la justice comme facteur de cohésion sociale. «Le parti FARE ne saurait cautionner un accord prochain qui pourrait couvrir les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, les crimes de violence sexuelle, et les violations graves du droit international, des droits de l’Homme et du droit international humanitaire», avait conclu le parti de l’ancien Premier ministre, Modibo Sidibé.
S. Diamouténé