400 représentants d’entreprises de 48 pays étaient attendus à la 8ème conférence des entrepreneurs sino-africains, qui s’est tenu, le 6 septembre 2024, à Beijing dans le cadre du sommet 2024 du Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FOCAC) ayant débouché sur un Plan d’Actions triennal assorti d’un soutien financier de plus de 50 milliards de dollars américains en faveur de l’Afrique. Cette rencontre a connu la participation d’entrepreneurs maliens particulièrement Amadou Diadié Sangaré, président du Groupe SAER et ancien président du Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) qui fait le point de son séjour et évoque ses projets de partenariats avec les sociétés chinoises pour des investissements au Mali dans cet entretien.

Vous venez de participer au sommet du FOCAC, dans quel cadre spécifique étiez-vous à Beijing ?

Amadou Diadié Sangaré : j’ai participé au sommet du FOCAC 2024, un forum qui réunit les dirigeants chinois et africains et au cours duquel un point sur les relations entre la Chine et les pays africains est fait. Le dernier FOCAC était à Dakar où des engagements avaient été pris. C’était d’abord de faire le point des décisions prises à Dakar puis décliner ce qui va se passer sur les trois prochaines années en termes de coopération entre les deux parties.

Aujourd’hui la croissance mondiale est créée par la Chine. Toute l’économie mondiale dépend pratiquement de l’économie chinoise. Quand l’économie chinoise ralentit, l’économie mondiale aussi est ralentie. La relation entre la Chine et l’Afrique date depuis les indépendances. Pratiquement tous les pays africains ont eu des relations avec la Chine. Donc il fallait être là.

En marge de ce forum politique, il y avait le forum économique, qui permettait à des hommes d’affaires chinois de rencontrer les hommes d’affaires africains. C’est à ce titre que je suis parti à Beijing accompagner la délégation malienne pour au moins qu’il y ait une présence malienne à cette rencontre.

 Comment cette conférence des entrepreneurs s’est déroulée ? Quels étaient vos objectifs en y prenant part?

A.D.S : l’économie va de pair avec la politique. Il y a des annonces importantes qui ont été faites. Leur mise en œuvre, c’est le secteur privé. Ce n’est pas le gouvernement chinois qui viendra faire des choses mais plutôt les entreprises chinoises qui doivent avoir des entreprises africaines partenaires pour réaliser les projets annoncés.

Donc, toujours en marge de ces rencontres hautement politiques, il y a cette rencontre d’hommes d’affaires pour pouvoir sceller des relations et voir comment l’on peut optimiser ensemble sur certaines choses. Nous, nous étions là entant que président du groupe SAER. On avait ciblé trois secteurs dont la Technologie [tout ce qui a comme digitalisation et transformation numérique]. On avait aussi ciblé la Pharmacie et l’Énergie qui était un problème. C’est sur ces secteurs qu’on a mis le paquet pour trouver des entreprises chinoises qui peuvent éventuellement se mettre en partenariat avec nous.

Que souhaitez-vous faire concrètement avec les entreprises chinoises ?

A.D.S : dans le domaine de la Santé, importez des médicaments. Nous avons déjà identifié une entreprise avec laquelle nous allons travailler. Au niveau de la Technologie (digitalisation et équipements) là aussi nous avons une société chinoise qui est intéressée.

Dans le secteur de l’Energie, nous comptons nouer des partenariats avec des sociétés chinoises mais aussi dans les Mines autres que l’or parce qu’il y a d’autres minéraux qui ne sont pas l’or. Il faut pouvoir diversifier notre offre de substance minérale en renforçant la recherche et l’exploration. Nous comptons faire cela avec des entreprises chinoises.

Quel bilan faites-vous de votre participation?  

A.D.S : le bilan est positif, non seulement nous avons pu échanger avec des entreprises chinoises mais elle donne des idées parce que quand vous voyez que des chinois de la dernière générale ne parle que chinois -ne parle pas Anglais- et que nous, nous continuons à être éduqués dans des langues qui ne sont pas les nôtres, franchement cela donne des idées.

Nous nous disons qu’il faut que nous ayons plus de vision et faisons nos plans sur de très longues termes. Nous parlons aujourd’hui du dragon de la Chine, du miracle de la Chine mais c’est vraiment la révolution culturelle qui est passée par l’imposition de la langue. Nous rentrons à l’école à sept ans, déjà les neurones commencent à développer des choses. Il faut se reformater, ça devient difficile.   

Vous avez vu beaucoup d’Africains qui ont réussi dans les affaires en Chine. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

A.D.S : Nous avons vu des Africains qui sont installés mais en fait en Chine ce sont d’abord les Chinois. C’est-à-dire l’économie est maîtrisée par les Chinois. Ce que cela m’inspire encore est que la Chine a un système le développement endogène. C’est l’économie par les Chinois et pour les Chinois. En fait, la manette de son économie est détenue par des nationaux. L’inspiration que nous avons est qu’il faudrait que (nous aussi) le discours de la souveraineté colle à la réalité économique. Il faudra faire en sorte que les Maliens soient à la manette de l’économie nationale. C’est une vision qui demande beaucoup de réformes institutionnelles.

C’est vrai que nous avons fait des réformes des Mines mais il faut aller au-delà des mines en les élargissant à toutes les activités économiques du pays. Il faut revoir le code des investissements et la Loi sur le Partenariat Public-Privé (PPP) qui sont calqués sur des modèles qui ne nous permettent pas d’aller de l’avant.

Pensez-vous que l’Afrique en particulier le Mali doit s’inspirer du modèle chinois pour pouvoir amorcer son développement ?

A.D.S : Il ne s’agit pas de s’inspirer des modèles. Il faut créer notre propre modèle. Les Chinois ne se sont pas inspirés des modèles, ils ont créé leur modèle en fonction de leur réalité. Il faut que nous créons le nôtre.

Vous avez vu tous les gâchis qui se sont déroulés ces 30 dernières années avec les réformes de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI) pour arriver à quoi. Quand vous prenez l’Eduction, l’on a fait des programmes pour diminuer le nombre des fonctionnaires et des enseignants. Vous vous rendez compte ? Quand l’on incite les enseignants à aller à la retraite ou à aller faire autres choses, cela veut dire que l’éducation n’est plus une priorité. Aujourd’hui, nous sommes dans les conséquences de ces réformes-là.

Vous n’avez jamais entendu que le FMI est allé faire des ajustements (structurels) en Chine. Non, parce que eux ils ont pris leur truc en main en fonction de leur réalité. C’est ce que nous devons faire.

La Chine a fait des annonces fortes au cours du sommet. Quel regard portez-vous sur ces annonces ?

A.D.S : la Chine a toujours fait des annonces. Maintenant ça dépend de l’agressivité et de l’organisation de tout un chacun pour pouvoir capter ces ressources parce qu’il faut se préparer pour aller les chercher. C’est à nous de nous organiser pour qu’une partie de ces ressources puissent venir chez nous.

Le Mali a eu des contrats avec des entreprises chinoises notamment dans le domaine de l’Energie. Est-ce que c’est de bonne augure dans le contexte actuel ?

A.D.S : C’est toujours bon qu’il y ait des projets mais encore faut-il que les entreprises privées maliennes soient impliquées. Quand des sociétés privées signent avec l’Etat, il faut que ces sociétés, quand elles viennent au Mali, travaillent avec les sociétés privées maliennes.

Bon, je n’ai pas assisté aux négociations mais si l’on me demande je dis qu’il faut souvent impliquer les privés peut-être même au niveau des négociations parce qu’il y a des choses que nous maîtrisons mieux que les fonctionnaires. Cela est clair. Qu’il y ait plus de secteur privé qui donne sa compréhension des choses.

En ce moment ce que nous pensons être une défiance peut être dissiper (ce que le secteur privé considère comme une méfiance est une défiance). C’est à nous de démontrer qu’on est capable de faire les choses et de créer encore la confiance entre le public et le privé parce qu’on est toujours en train de se tirailler (le public n’a pas confiance aux privés). Ça ne marchera pas. Il faut qu’on soit ensemble et qu’on se dise qu’on a quelque chose en commun qui est le pays. S’il fonctionne c’est pour tout le monde, s’il se gâte c’est pour tout le monde.

Faut-il accélérer l’exécution des projets énergétiques ou quelle alternative proposez-vous ?

A.D.S : Il faut bien sûr accélérer les projets. Le problème de l’Energie, je suis le président de la Fédération des Entreprises d’énergie. Nous pensons qu’il faut une vision. Il faut voir l’énergie avec le nexus énergétique (l’énergie avec les autres secteurs qui dépendent d’elle). Il faut analyser tout cela ensemble et faire une stratégique de développement de l’énergie et non une stratégique annuelle. Cela demande des réformes institutionnelles, de la formation du personnel, de l’innovation, des infrastructures, un plan d’actions et un horizon.   

La participation du Mali est-elle une réussite ?

A.D.S : C’est une réussite mais je dis que ce n’est pas les Chinois qui vont régler notre problème. Ce ne sont ni les Chinois ni les Français, ni les Russes qui vont régler nos problèmes mais nous-mêmes. C’est nous qui devons définir nos principes (là je suis d’accord avec les trois principes édictés par les autorités de la Transition) mais il faut l’accompagner par des mesures.

L’Etat doit faire quoi pour faciliter la tâche aux entrepreneurs ou opérateurs économiques pour faire venir les investisseurs dans notre pays ?

A.D.S : Ce que l’Etat doit faire, c’est le climat des affaires de façon globale. C’est-à-dire qu’il joue son rôle. Que chacun joue son rôle. Le secteur privé et le secteur public doivent jouer leur rôle et qu’il n’y ait pas de chevauchement.

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