Yèrèwolo Débout sur les Remparts, mouvement panafricaniste et souverainiste est secoué par une crise interne inédite ayant conduit à une vague de démissions. Son commandant en chef Adama Diarra alias Ben le Cerveau et son porte-parole Siriki Kouyaté croupissent également en prison.
Que se passe-t-il au sein de Yèrèwolo Débout sur les Remparts ? S’interroge-t-on à Bamako où la Transition, en place depuis août 2020, se poursuit. Le 4 septembre 2023, Adama Diarra alias Ben le Cerveau, commandant en chef du mouvement, a été interpellé dans un cimetière. Son arrestation fait suite à une émission radiophonique dans laquelle il réclame le respect du délai de la Transition et dénonce la montée en puissance des femmes d’affaires et les arrestations extrajudiciaires.
Après une comparution devant le procureur du Pôle National de lutte contre la cybercriminalité, cet ex-leader du M5-RFP a écopé de deux ans de prison dont un an ferme. Le 15 septembre, il a été radié du Conseil National de Transition (CNT). Entre temps, son compagnon Siriki Kouyaté, porte-parole du mouvement est incarcéré depuis mi-septembre.
Une disgrâce
Yèrèwolo, qui a conduit les manifestations contre les forces étrangères au Mali, est depuis octobre 2022 en disgrâce avec la Transition. Ses trois membres proposés pour être au Conseil National de Transition (CNT) n’ont pas été retenus dans le cadre de l’élargissement dudit organe. Sa seule ministre dans le gouvernement (Mme Wadidié Founè Coulibaly) a été évincée, en juillet dernier, du gouvernement à l’issue du mi- remaniement ministériel.
L’incarcération du commandant en chef et du porte-parole a plongé le mouvement dans une profonde crise de leadership et de positionnement. Deux bords se dévoilent : une branche favorable à la poursuite de la lutte quitte à se dissocier des autorités actuelles (les modérés), la seconde fondamentalement acquise pour soutenir la Transition sans conditions (les pros). Une situation qui a conduit à la démission de quatre leaders y compris le Secrétaire général Pape Diallo.
Un double jeu avec la Transition
Ibrahim Keïta alias Maka, l’un des démissionnaires, parle de « tendances ». La première pense que la plateforme doit ignorer les actions des autorités et continuer sa lutte pour la patrie. La seconde estime que le mouvement doit aller en bras de fer avec la Transition tant que les autorités ne considèrent pas le mouvement. Cet ex-chef du département chargé de l’information et des instructions reproche au premier groupe de « jouer double jeu avec les autorités de la Transition ».
Il ne pardonne pas à Ben le Cerveau ses « double langages sur le projet de la Constitution » et sa « sortie unilatérale » relative à l’augmentation du budget de la Présidence. Il tance également le commandant en chef pour sa « déclaration unilatérale » annonçant que Yèrèwolo dit non au report de la présidentielle.
Un autre membre, ayant requis l’anonymat, voit une « main des certaines autorités» derrière la situation explosive, évoquant une « trahison » et des « postes en jeu ». « Jusqu’à preuve de contraire, ces militaires nous ont rassuré qu’il y aura des élections. C’est ce qui nous a beaucoup motivé à manifester pour chasser la MINUSMA avant les scrutins », confie ce jeune leader, précisant que « la position du mouvement est qu’Assimi Goïta se présente et soit élu ».
Selon lui, l’interpellation de Ben le Cerveau et Siriki Kouyaté serait « un coup préparé avec l’objectif de dissoudre le mouvement» . Après leur incarcération, la direction du mouvement est revenue à Pape Diallo, le désormais ex-Secrétaire général. « Pape nous a dit de continuer le mouvement et d’abandonner les deux camarades enfermés », confie notre source, qualifiant ce dernier d’une « personne insupportable qui interdisait aux autres de parler lors des réunions ».
« Un processus d’épuration »
Ce jeune leader ayant été chargé de mission dans un département ministériel est accusé d’avoir tenté de diviser le mouvement lors du référendum. « Il n’a pas été poussé à la sortie. Il avait des objectifs. Normalement, il devait être chassé pour haute trahison parce qu’il a trahi le mouvement », clarifie, une autre source, soulignant qu’il avait créé un clan dans la plateforme.
En plus de lui, trois autres responsables ont officialisé leur départ. Il s’agit de Mohamed Bilali Traoré, Ibrahim Keïta et Aly Togo. Il y a également eu des démissions au sein de certaines coordinations communales.
La direction de Yèrèwolo a pris acte, le 23 octobre dernier, de ces démissions évoquant « un processus d’épuration inévitable ». Son siège est utilisé par les deux camps et serait au nom de Pape Diallo, qui a crée avec des démissionnaires le mouvement « Quartier Général de la Révolution».