Reportée sine die depuis septembre 2023, la présidentielle se prépare et son organisation est confiée au gouvernement Abdoulaye Maïga, mis en place en novembre 2024. Si le scrutin présidentiel se tient dans le contexte actuel, il se fera sans plusieurs leaders politiques exilés ou emprisonnés.
À Bamako où les militaires sont au pouvoir depuis août 2020, les signaux vers la tenue des élections devant mettre fin à la transition se multiplient.
Réapparition du budget électoral
Un fait important est à signaler en premier : la réapparition du budget des élections dans la loi de Finances pour l’exercice 2025, validée, 19 décembre 2024, par le Conseil National de Transition (CNT). L’enveloppe électorale y s’élève à 80,750 milliards FCFA assortie d’un budget annuel de 6,093 milliards pour l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE). Ce budget consacré aux dépenses électorales avait été retiré de la loi de finances pour l’exercice 2024, une année où il était prévu de tenir la présidentielle en février.
Un autre signal vers la présidentielle concerne l’adoption en cours des lois d’application de la nouvelle Constitution de juillet 2023. À ce jour, près d’une dizaine de lois d’application de la Loi fondamentale ont été adoptées. Il s’agit particulièrement des projets de lois organiques de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et des textes relatifs à la taille du gouvernement ( 30 membres au lieu de 25 désormais), aux légitimités traditionnelles et à l’inconstitutionnalité des lois, entre autres.
La très attendue loi électorale est déjà sur la table de l’Organe législatif de la Transition. Son examen, initialement prévu le 19 décembre, a été renvoyé à la prochaine session. La loi relative à la députation est également renvoyée à la prochaine session attendue en avril 2025. Toutefois, l’organe législatif pourrait être convoqué en session extraordinaire par le président de la Transition.
Un troisième fait plus ou moins lieu aux élections concerne la nomination des sous-préfets des arrondissements. En plus, la révision annuelle des listes électorales est en cours et sera prorogée jusqu’au mois de février 2025.
Au-delà de ces mesures, le président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta a confié au gouvernement Abdoulaye Maïga « la création des conditions pour l’organisation des élections transparentes et apaisées». Sans cependant dévoiler de calendrier électoral.
Malgré l’absence de chronogramme, qui pourrait être disponible en février (l’élaboration du plan d’actions gouvernemental 2025-2026 prendra fin le 5 février), le Mali semble se diriger vers des élections. Si le scrutin présidentiel se déroule dans ces contextes, il pourrait se faire sans plusieurs leaders politiques dont Dr Boubou Cissé, Oumar Mariko, Tiéman Hubert Coulibaly, Ismaël Sacko, Karim Kéïta.
Dr Boubou Cissé
Dernier Premier ministre d’IBK, Dr Boubou Cissé est hors du pays depuis 2021, année à laquelle sa candidature pour la présidentielle initialement prévue en 2022 était presque portée l’Union pour République et la Démocratie (URD). Une situation qui a contribué à la division du parti fondé par Soumaïla Cissé.
Il est sous mandat d’arrêt international depuis 25 juillet 2022 dans l’affaire «paramount» relatif à l’achat des équipements militaires. Ce qui rend son retour avant la présidentielle difficile voire impossible. Il vient, par ailleurs, d’être élu vice-président du parti l’URD à l’issue du 5ème congrès ordinaire, tenu le 21 décembre 2024.
L’imam Mahmoud Dicko
Tête de proue du M5-RFP ayant renversé en 2020 le régime IBK, l’imam Mahmoud Dicko est en séjour prolongé en Algérie depuis sa réception en décembre 2023 par le président algérien. Sa visite en Algérie n’a pas été appréciée par les autorités de la Transition qui le qualifient de « personnalité hostile à la transition ». Il n’est pas poursuivi par la justice mais n’est pas encore rentré au Mali malgré les multiples annonces de son retour au bercail.
S’il n’est pas un potentiel candidat à la présidentielle, le leader religieux est une figure importante qui a joué un rôle déterminant dans l’élection du défunt président Ibrahim Boubacar Kéïta. Son retour est réclamé par ses partisans.
Mamadou Igor Diarra
Le banquier, actuellement Directeur de BOA group, filiale de Bank of Africa BMCE pour l’Afrique centrale, Mamadou Igor Diarra est également un potentiel candidat à la présidentielle vivant hors du pays. Ancien candidat déclaré à la présidentielle de 2018, l’ex-ministre des Finances avait fusionné son mouvement avec le parti URD dont il est depuis 22 décembre dernier l’un des vice-présidents.
Son retour au pays avant la présidentielle est loin d’être un acquis. Il est, lui aussi, poursuivi et sous mandat d’arrêt international dans l’affaire dite «paramount».
Tiéman Hubert
Vivant en Côte d’Ivoire depuis plusieurs mois, le président du parti UDD et l’ancien ministre de la Défense, Tièman Hubert Coulibaly est également cité dans la même affaire judiciaire. Il est président d’une coalition politique qui préparait sa candidature avant le report des élections de février 2022. Depuis son lieu d’exil, il réagit régulièrement à l’actualité malienne sur les réseaux sociaux et dans les médias.
Karim Kéïta
S’il n’a jamais été candidat à la présidentielle, Karim Kéïta, fils de l’ancien président IBK, est aussi un acteur politique en exil depuis 2020. Ayant trouvé refuge en Côte d’Ivoire, Karim Kéïta fait à son tour l’objet d’un mandat d’arrêt international dans l’affaire de disparition du journaliste Birama Touré.
En 2022, il n’a pas pu assister aux obsèques de son père Ibrahim Boubacar Keita, décédé en janvier 2022. Ce qui sous-entend que son retour au Mali n’est pas à l’ordre du jour.
Dr Oumar Mariko
L’emblématique député de Kolondièba, Dr Oumar Mariko a quitté le Mali à cause des ennuis judiciaires suite à ses propos accusant l’armée d’exactions à Moura où l’état-major général a annoncé la neutralisation de plus de 200 terroristes en 2022. Aperçu dans un premier temps en Russie puis en Europe et en Afrique, Oumar Mariko, plusieurs candidats à la présidentielle, aura du mal à revenir au bercail dans ces contextes pour participer aux prochaines élections.
Son parti SADI a échappé in extremis à la dissolution en mai 2024. Il était assigné en justice pour sa dissolution suite aux propos de Dr Oumar Mariko critiquant ouvertement la récupération des localités occupées par les terroristes, dont Kidal (14 novembre 2024).
Ce leader politique, ancien leader estudiantin, assume désormais sa casquette d’opposant aux militaires au pouvoir.
Ismaël Sacko, Seydou Mamadou Coulibaly, Aliou Boubacar Diallo
Malgré l’absence de poursuites officielles à leur encontre, d’autres leaders dont Ismaël Sacko (ex-PSDA), Seydou Mamadou Coulibaly (Mouvement Benkan), Aliou Boubacar Diallo (ADP-Maliba) sont présentement hors du pays. Ce dernier s’était pour rappel classé troisième à l’issue de la dernière présidentielle de 2018 derrière Soumaïla Cissé et Ibrahim Boubacar Kéïta, tous les décédés à ce jour. Il est cependant difficile d’affirmer que les deux derniers cités sont en exil.
Sur le terrain, d’autres acteurs politiques sont en prison. Il s’agit de Mamadou Clément Dembélé, Etienne Fakaba Sissoko, le chroniqueur Ras Bath et récemment Issa Kaou N’Djim, entre autres. Leur libération est réclamée par la classe politique après le relâchement le 5 décembre dernier des onze leaders politiques dans le cadre de «l’apaisement du climat social».
Cette dernière mesure est survenue dans ce contexte où un projet de la Charte pour la Paix et la Réconciliation est en cours d’élaboration. Pourrait-il aboutir à d’autres mesures permettant à ces personnalités de participer aux prochaines élections?
À ce jour, l’ancien Premier ministre Moussa Mara est le seul candidat désigné par son parti politique à la prochaine présidentielle. Pour sa part, Assimi Goïta, président de la Transition ne s’est pas officiellement porté candidat, mais sa candidature (qui violerait la Charte de la Transition) est réclamée par des partis et des mouvements politiques.
NDLR: cet article a été publié dans le magazine NouvelleAfrique du mois de janvier 2025
MC/NouvelleAfrique